Interdiction des drogues
L’Interdiction des drogues psychotropes est absolue (Ḥaram) dans la Foi bahá’íe, sauf en cas de prescription médicale thérapeutique sur l’avis d’un professionnel compétent.
"Il est inadmissible que l'homme, qui fut doté de raison, consomme ce qui la lui dérobe. Non, il lui convient plutôt de se comporter d'une manière digne de sa condition et de ne pas imiter les méfaits de l'âme irrésolue et négligente."[1]
Alcool[modifier]
La consommation de vin et de boissons alcooliques est interdite par le Kitáb-i-Aqdas. La référence à l'usage du mot "vin" dans un sens allégorique - en tant que cause d'extase spirituelle - se retrouve fréquemment non seulement dans la révélation de Bahá'u'lláh, mais aussi dans la Bible, dans le Qur'án et dans les anciennes traditions hindoues[2]. Bahá'u'lláh écrit dans l’une de ses tablettes[3]:
"Enivrez-vous du vin de l'amour de Dieu, et non de ce qui anéantit votre esprit, ô vous qui l'adorez ! En vérité, cela a été interdit à chaque croyant, homme ou femme."
Il y a, dans les écrits bahá'ís, de nombreuses références sur l'interdiction de consommer du vin ou d'autres boissons alcooliques, et qui décrivent les effets nuisibles de telles boissons enivrantes sur l'individu. Dans une de ses tablettes, Bahá'u'lláh déclare :
"Prenez garde d'échanger le vin de Dieu contre votre propre vin, car il abrutira votre raison et détournera votre visage de la face de Dieu, le Très-Glorieux, l'Incomparable, l'Inaccessible. Ne vous en approchez pas, car cela vous a été interdit par le commandement de Dieu, le Suprême, le Tout-Puissant."
`Abdu'l-Bahá explique que l'Aqdas interdit "les boissons légères et les boissons fortes", et il déclare que la raison de l'interdiction de ces boissons enivrantes est due au fait que "l'alcool égare la raison et affaiblit le corps".
Shoghi Effendi, dans des lettres écrites de sa part, déclare que cette interdiction n'exclut pas seulement la consommation de vin, mais de "tout ce qui dérange la raison", et il explique que l'utilisation de l'alcool n'est permise que lorsqu'elle fait partie d'un traitement médical mis en oeuvre sur le conseil d'"un médecin compétent et consciencieux, qui peut avoir à le prescrire pour la guérison d'un mal particulier".[4]
Dans une autre lettre du 6 novembre 1935 à une Assemblée Spirituelle Locale, il étend l’interdiction au commerce des vins et spiritueux pour les baha’is, et dans une autre lettre adressée à un baha’i le 9 janvier 1939, il assimile la présence d’alcool dans la nourriture à la consommation de boissons alcoolisées.[5]
La Maison Universelle de Justice a statué que, pour protéger les intérêts de la Foi, un baha’i chargé de fonctions administratives ou d’enseignement à l’échelon national pris en flagrant délit de consommation de boisson alcoolisée serait suspendu le temps qu’il change de comportement, et que s’il refusait il perdrait ses droits administratifs jusqu’à ce qu’il ait fait amende honorable.[6]
En Occident, où offrir de l'alcool est vu traditionnellement comme un geste de convivialité ou d'amitié, les baha'is doivent parfois faire preuve de trésors de patience et de diplomatie, mais aussi de fermeté, pour refuser sans offenser. La réponse la plus honnête et la plus diplomate semble être celle que faisait toujours Rúḥíyyih Khánum, en référence évidente au "Médecin Divin" cité dans les écrits baha'is : "Mon médecin me l'interdit !"
Opium[modifier]
L’opium est expressément interdit par Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Aqdas :
"Le jeu et l'usage de l'opium vous ont été interdits. Evitez-les tous deux, ô peuples, et ne soyez pas des transgresseurs. Gardez-vous d'utiliser toute substance qui produit apathie et torpeur au temple humain, et qui inflige du tort au corps. En vérité, Nous ne désirons pour vous que ce qui vous profitera, et toutes les choses créées en témoignent, si vous avez des oreilles pour entendre."[7]
"Il vous a été interdit de fumer de l'opium. Nous avons vraiment prohibé cet usage dans le Livre d'une manière très ferme. Quiconque en use, n'est assurément pas de moi. Craignez Dieu, ô vous qui êtes doués d'entendement !"[8]
`Abdu'l-Bahá écrit :
"Quant à l'opium, c'est une drogue abominable et maudite. Que Dieu nous protège du châtiment qu'Il inflige à celui qui s'y adonne ! Conformément au texte explicite du Livre le plus saint, l'opium est interdit et sa consommation est totalement condamnée. La raison même démontre que fumer de l'opium est un acte d'insanité, et l'expérience atteste que le fumeur d'opium est totalement coupé du royaume des hommes. Que Dieu nous protège tous contre la perpétration d'un acte aussi hideux, qui met en ruine la fondation même de ce qu'est un être humain et condamne le drogué à la dépossession éternelle, car l'opium s'attache à l'âme de sorte que la conscience s'éteint, que l'esprit s'efface et que les perceptions s'émoussent. L'opium transforme l'être vivant en une créature de mort; il détruit la chaleur naturelle. On ne saurait imaginer malheur plus grand que celui qu'inflige l'opium. Heureux ceux qui jamais n'en profèrent même le nom; alors, songez combien misérable est celui qui en fait usage ! ô vous amoureux de Dieu ! En ce cycle du Dieu Tout-Puissant, violence et force, contrainte et oppression sont toutes et chacune condamnées. Il est pourtant obligatoire d'empêcher l'utilisation de l'opium par tous les moyens possibles afin que, par bonheur, la race humaine puisse être délivrée de ce plus puissant des fléaux. Sinon, malheur et misère à celui qui aura manqué à son devoir envers son Seigneur."[9]
Et dans une autre de ses tablettes, ‘Abdu’l-Bahá a déclaré au sujet de l'opium : "l'utilisateur, l'acheteur et le vendeur sont tous privés de la bonté et de la grâce de Dieu".[10]
Cette interdiction englobe tous les dérivés opiacés, comme la morphine, l'héroïne, l'oxycodone, la méthadone ... sauf en cas d'usage thérapeutique médical par un médecin compétent.
Hashish[modifier]
Bien qu’il ne soit pas expressément interdit par Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Aqdas, `Abdu'l-Bahá n’a pas de mots assez durs contre le hashish, que les persans étaient habitués non seulement à fumer mais aussi à ingérer sous forme de gâteaux pour obtenir des visions extatiques :
"En ce qui concerne le hashish, vous auriez fait ressortir que des Persans se sont habitués à sa consommation. Miséricorde ! C'est la pire de toutes les causes d'ivresse, et son interdiction est révélée explicitement. Son usage cause la désintégration de la pensée et la torpeur totale de l'âme. Comment pourrait-on rechercher ce fruit de l'arbre infernal et, en s'y adonnant, en arriver à prôner les qualités d'un monstre ? Comment pourrait-on utiliser cette drogue interdite et en cela se priver des bénédictions du Très-Miséricordieux? ... L'alcool ronge les facultés mentales et conduit l'homme à commettre des actes absurdes mais ... ce hashísh malfaisant anéantit la raison, gèle l'esprit, pétrifie l'âme, détruit le corps et laisse l'homme frustré et perdu."[11]
Autres Drogues[modifier]
La Maison Universelle de Justice considère que l’interdiction d’usage, de commerce et de production s’étend pour les baha’is à toute substance psychotrope non prescrite dans un but médical thérapeutique :
"En ce qui concerne les soi-disant "vertus spirituelles" des hallucinogènes, ... la stimulation spirituelle devrait provenir de ce que l'on tourne son coeur vers Bahá'u'lláh et non de moyens physiques comme les drogues et les hallucinogènes. D'après la description faite dans votre lettre, il semble que les agents hallucinogènes soient une sorte de substance enivrante. Comme il est demandé aux amis, y compris les jeunes, de s'abstenir formellement de recourir à toute forme de drogue et qu'ils sont, de plus, tenus d'obéir, avec conscience, aux lois civiles de leur pays, il est évident qu'ils doivent s'abstenir d'utiliser celles-ci. La jeunesse d'aujourd'hui porte une très grande responsabilité dans la paix future et le bien-être du monde. Que la jeunesse bahá'íe, par le pouvoir de la cause qu'elle épouse, soit un exemple brillant pour ses compagnons !"[12]
"Les bahá'ís ne devraient pas utiliser de produits hallucinogènes, y compris le L.S.D., le peyote et les substances similaires, sauf lorsqu'ils sont prescrits dans un traitement médical. Ils ne devraient pas non plus se laisser entraîner dans des expériences avec de telles substances."[13]
Tabac[modifier]
Le tabac occupe une place particulière, car c’est une habitude néfaste et malsaine "déconseillée" (makruh) et non pas "interdite" (Ḥaram). `Abdu'l-Bahá écrit[14]:
"Ce que je veux dire, c'est que, sous tous les aspects de la vie, la pureté et la sainteté, la propreté et la netteté, exaltent la condition humaine et favorisent le développement de la réalité intime de l'homme. Même dans le monde matériel, la propreté incite à la spiritualité - comme il est dit clairement dans les écrits sacrés - et la propreté corporelle, bien qu'elle soit une chose d'ordre physique, exerce néanmoins une puissante influence sur la vie de l'esprit. Elle est pareille à une voix merveilleusement douce ou à une mélodie: même si les sons ne sont que vibrations dans l'air affectant le nerf acoustique et que ces vibrations ne sont elles-mêmes que des phénomènes fortuits transportés à travers l'atmosphère, voyez comme, malgré tout, elles nous remuent le coeur. Une belle mélodie, ce sont des ailes pour l'esprit, et l'âme en tressaille de joie. Ainsi, la propreté physique exerce également une action sur l'âme humaine. Voyez combien la propreté est agréable aux yeux de Dieu et combien les prophètes le soulignent dans leurs Saints Livres; les Ecritures, en effet, interdisent de manger des aliments impurs ou de se servir d'objets sales. Certaines de ces interdictions revêtaient un caractère absolu, applicable à tous, et quiconque transgressait la Loi était abhorré de Dieu et frappé d'anathème par les croyants. Il en était ainsi, par exemple, des choses catégoriquement interdites et dont la perpétration était considérée comme un très grave péché; certaines de ces actions étaient si répugnantes qu'il est même honteux de les nommer."
"Il est cependant d'autres choses interdites qui ne sont pas immédiatement nuisibles et dont les effets nocifs ne s'exercent que progressivement; le Seigneur répugne également à de tels actes, qui sont condamnables à ses yeux. Or, l'illégalité absolue de ces actes n'a toutefois pas été expressément formulée dans le texte sacré, mais il est nécessaire de les éviter afin de demeurer dans la pureté et la propreté, de préserver sa santé et d'être libéré de toute forme d'accoutumance. Parmi ces actes figure la consommation du tabac, une pratique sale, nauséabonde et nuisible; - une habitude pernicieuse, et tous commencent à en percevoir la nocivité. Il a été établi par tous les médecins qualifiés - et des expériences ont démontré - que l'un des composants du tabac est un poison mortel et que le fumeur est exposé à de nombreuses maladies diverses. C'est pourquoi l'usage du tabac a été clairement considéré comme une habitude répugnante sur le plan de l'hygiène."
"Le Báb, à l'orée de sa mission, formula explicitement l'interdiction du tabac et tous les amis, sans exception, cessèrent alors de fumer. Or, à cette époque, comme il était permis de dissimuler ses convictions et que toute personne s'abstenant de fumer était exposée aux persécutions et même à la mort, les amis fumaient afin de ne pas attirer l'attention sur leurs croyances. Plus tard fut révélé le Kitáb-i-Aqdas (Livre le plus Saint) et, comme l'usage du tabac n'y était pas spécifiquement prohibé, les croyants n'abandonnèrent point cette habitude. La Beauté Bénie, cependant, exprima toujours sa répugnance à cet égard et si, dans les premiers temps, il eut des raisons de fumer modérément, il y renonça totalement par la suite, et les âmes sanctifiées qui suivaient son exemple en toutes choses abandonnèrent également l'usage du tabac. En d'autres termes, fumer du tabac est, aux yeux de Dieu, un acte répugnant, abhorré et, même si la nocivité en est progressive, il est extrêmement néfaste pour la santé de l'homme. C'est aussi une perte de temps et d'argent, qui fait du fumeur la proie d'une habitude malsaine."
"Tous ceux qui demeurent fermes dans l'Alliance, condamnent donc cette habitude à la fois par raisonnement et par expérience; le fait d'y renoncer apportera paix et sérénité à l'esprit de tous les hommes, leur permettant en outre de garder l'haleine fraîche, les doigts non maculés et les cheveux sans relent nauséabonde et répugnant. En recevant cette missive, les amis décideront certainement, par tous les moyens, d'abandonner cette habitude pernicieuse - même si cela doit prendre un certain temps. Tel est mon espoir."
Bibliographie[modifier]
- Kitáb-i-Aqdas ("Le Livre le Plus Saint"), écrit par Bahá'u'lláh (en arabe vers 1873), édité par la Maison d'éditions baha'ies (Bruxelles 1996), ISBN 2872030387
- "Sélections des écrits de `Abdu'l-Bahá", Maison d'éditions baha'ies (Bruxelles, 1° édition, 1983), D/1547/1983/1
- "Prohibition on Drinking Alcohol", Compilation of Compilations, Vol. II, pp. 245-256, compilé par le département de la recherche de la Maison Universelle de Justice, révisé en août 1990
- Compilation des écrits baha’is intitulée "une vie chaste et sainte", réalisée par le département de la recherche de la Maison Universelle de Justice et éditée par la Maison d’éditions baha’is (Bruxelles, 1989), ISBN 2872030158
Notes[modifier]
- ↑ Kitab-i-Aqdas, verset 119
- ↑ Kitáb-i-Aqdas, note 2
- ↑ Citation de Bahá'u'lláh reprise dans "l'Avènement de la justice divine" pp.46-47
- ↑ Kitáb-i-Aqdas, note 144
- ↑ compilation "Prohibition on Drinking Alcohol", n°1793
- ↑ Lettre de la Maison Universelle de Justice du 30 mars 1997 à une Assemblée Spirituelle Nationale d’Afrique, compilation "Prohibition on Drinking Alcohol", n°1796
- ↑ Kitáb-i-Aqdas, verset 155
- ↑ Kitáb-i-Aqdas, verset 190
- ↑ "Sélections des écrits de 'Abdu'l-Bahá"- M.E.B. édition 1983 - n°129, citée dans la note 170 du Kitáb-i-Aqdas
- ↑ Kitáb-i-Aqdas, note 170
- ↑ Extrait d'une tablette de 'Abdu'l-Bahá, cité dans la compilation intitulée "une vie chaste et sainte", n°28 p.15
- ↑ Extrait d'une lettre du 15 avril 1965 écrite par la Maison Universelle de Justice à une A.S.N., citée dans la compilation intitulée "une vie chaste et sainte", n°29 p.15
- ↑ Extrait d'une lettre du 11 janvier 1967 écrite par la Maison Universelle de Justice à une A.S.N., citée dans la compilation intitulée "une vie chaste et sainte", n°30 p.15
- ↑ "Sélections des écrits de `Abdu'l-Bahá", chapitre 129, pp.146-148