

La foi bábíe (perse : بابی ها = Bábí há), parfois connue sous le nom de babisme, est une religion fondée en Perse le 23 mai 1844 (5 Jamádíyu’l-Avval 1260 ap.H.), par un jeune commerçant de la ville de Shíráz, nommé Siyyid ‘Alí Muḥammad (1819-1850) et surnommé le Báb (arabe : "باب" = "la Porte").
Elle fait partie des religions révélées de la lignée abrahamique comme le judaïsme, le christianisme et l’islam, mais elle en est indépendante avec son propre "prophète", ses propres livres saints et ses propres lois. Le Báb rédigea de nombreux ouvrages, dont le principal est le Bayán, et dans lesquels il révéla :
- être le "Promis", dont la venue est annoncée par les traditions chiites à la "fin des temps" (le Qá’im, en arabe : القائم "Celui qui s'élève", encore appelé "l'Imám Caché" ou Mihdí, "celui qui est bien guidé" مهدي ) et que les disciples du Shaykhisme attendaient comme imminente.
- des explications et des interprétations des versets coraniques ayant trait au "Jour du Jugement".
- un nouveau code de lois destiné à remplacer la chari’ah islamique.
- l’annonce qu’après lui viendra un autre messager, qu’il désigne par le titre de "Celui que Dieu rendra manifeste" (Man yuẓhiruhu'lláh, arabe : من یظهر الله , perse : مظهر کلّیه الهی ).
Cette religion messianique fut la cause d’un grand bouleversement dans la société persane, car elle rassembla en très peu de temps un grand nombre d’adeptes, parmi lesquels on comptait quelques uns des plus éminents érudits religieux de l’époque, et parce que le clergé chiite associé au gouvernement persan réagit à cette remise en cause de l'islam traditionnel et de son autorité par une persécution féroce en martyrisant des dizaines de milliers de babis.
Environnement social[modifier]


Le milieu du XIXème siècle fut une période, où les espoirs de voir se réaliser une ère "messianique" furent intenses, aussi bien dans le monde chrétien (comme avec les Adventistes) que dans le monde islamique (comme avec les shaykhis).
les musulmans attendent selon leurs traditions la venue, avant le "Jour" de la résurrection et du jugement, d'une sorte de "messie" appelé Al-Mihdí (en arabe : المَهْديّ , ce qui signifie "le bien guidé") par les sunnites et Al-Qá'im (en arabe : القائم , ce qui signifie "celui qui se lèvera" ou le "résurrecteur") par les chiites, qui l'identifie avec le retour de "l'imam caché". Le Coran ne parle pas de cet homme, mais de multiples traditions rapportent les paroles du prophète Muḥammad (v570-632) le décrivent, comme cell-ci : "Alláh fera ressortir de la cachette Al Mihdí de ma famille et juste avant le Jour du Jugement ; même si un jour restait dans la durée du monde et il répandra sur terre justice et égalité, et éradiquera la tyrannie et l’oppression."[1].
Shaykh Aḥmad-i-Aḥsá'í (1753-1826) était un théologien chiite originaire de Bareïn, qui fonda au XVIIIème siècle en Perse et en Iraq une école religieuse, dont les membres étaient appelés Shaykhí et attendaient fermement la réapparition prochaine du Qá'im. Après son décès, c'est son disciple Siyyid Káẓim-i-Rashtí (1793-1843), qui prit la direction de l'école et promis à ses disciples que l'apparition du Qá'im était imminente. Il ne désigna pas de successeur et juste avant de mourir il leur ordonna de se mettre à la recherche du "Promis" à travers toute la Perse. C'est ainsi que Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í (1813-1849) semit en route après 40 jours de prière et de jeûne et rencontra finalement à Shíráz le Báb, dont il devint le premier disciple[2].
Chronologie de la dispensation du Báb[modifier]




1844 (1260 ap.H.) est l'année où le Báb déclara qu'il était le "Promis" de l'islam, dans la nuit du 22 au 23 mai à Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í, qui devint son premier disciple et qu'il nomma la première des "Lettres du Vivant ainsi que "la porte de la Porte" (Bábu'l-Báb). Après avoir été reconnu par les 18 "Lettres du Vivant", il est envoya annoncer son message à travers la Perse, alors qu'il se rendit en pélerinage à La Mecque avec Quddús pour y déclarer solennellement sa mission. Le voyage et l'accueil qu'il y reçut lui laissèrent des souvenirs amers, mais il pu écrire une lettre au Chérif de La Mecque et recevoir l'allégeance de disciples à la Ka'bih.
1845 vit le retour du Báb en Perse et les premières persécutions. Le Báb dut renoncer à se rendre à la ville sainte de Karbilá et on l'arrêta pour le forcer à renier ses prétentions.
En 1846, le Báb réussit à quitter Shíráz pour trouver refuge en mars à Iṣfahán, où le gouverneur de la ville Manúchihr Khán le protégea jusqu'à sa mort en 1847.
En 1847, le Báb demanda à être reçu en audience par le roi de Perse Muḥammad Sháh Qájár (1810-1848) dans la capitale de Téhéran (Ṭihrán), mais juste avant d'y parvenir il fut emprisonné en Ádhirbáyján dans la citadelle montagnarde de Máh-Kú, où il rédigea son Bayán persan.
Le 10 avril 1848, le Báb fut transféré à la forteresse de Chihríq sur l'ordre du grand vizir Ḥájí Mírzá Áqásí, afin de contrecarrer l'influence grandissante du Báb. Du 26 juin au 17 juillet les bábís tinrent la conférence de Badasht, qui marqua la séparation définitive du babisme d'avec l'islam. En juillet, le Báb fut jugé à Tabríz, où il confirma publiqement ses revendications, essuyant en retour moqueries et bastonnade. Le 21 juillet, Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í leva au Mázindarán "l'étendard noir" de la "guerre sainte" et marcha sur la ville de Mashhad à la tête de 200 bábís. Cela déboucha sur siège du mausolée de Shaykh Ṭabarsí, où les bábís se retranchèrent à partir du 10 octobre 1848.
Le 10 mai 1849, les bábís assiégés se rendirent finalement après 7 mois d'une résistance héroïque face au troupes gouvernementales commandées par le prince Mihdí Qulí Mirzá, qui s'empressa de renier sa promesse faite sur le Coran et d'exterminer les prisonniers. Le Báb fut tellement affecté par le cruel supplice infligé à Quddús, qu'il resta plusieurs mois sans rien écrire. Il rédigea finalement un testament dans lequel il désignait Mírzá Yaḥyá-i-Núrí (1831-1912) comme son successeur à la tête de la communauté bábíe en attendant la venue de "Celui que Dieu rendra manifeste".
1850 vit la rébellion et le massacre des bábís de Nayríz dans la province du Fárs et le conflit de Zanján. Le 9 juillet à midi, le Báb fut publiquement fusillé dans la cour de la caserne de Tabríz sur l'ordre du grand vizir Mírzá Taqí Khán (1807-1852). La première salve d'un régiment arménien chrétien ne fit que couper ses liens en le laissant indemme. Devant un tel prodige, le colonel chrétien Sám Khán refusa de faire tirer une nouvelle salve et quitta la caserne sur le champ avec son régiment. C'est un régiment musulman azéri commandé par le colonel Áqá Ján Big qui se chargea de tirer la seconde salve mortelle. Les restes du Báb furent jetés dans un fossé à l'extérieur de la ville. Les bábís s'en emparèrent subrepticement de nuit pour les cacher jusqu'à leur transfert en Palestine, où ils furent déposés en 1909 dans le mausolée du Mont Carmel.
1851 vit l'insurrection bábíe de Zanján noyée dans le sang.
Le 15 août 1852, trois bábís attentèrent sans succès à la vie du jeune roi de Perse Náṣiri'd-Dín-Sháh Qájár (1831-1896). Cet acte fut la justification d'une persécution généralisée contre le mouvement bábí, dont de nombreux dirigeants furent tués comme Ṭáhirih et Siyyid Ḥusayn-i-Yazdí, ou emprisonnés dans la cachot souterrain du Síyáh-Chál comme Mírzá Ḥusayn ‘Alí Núrí surnommé Bahá'u'lláh (1817-1892).
1853 fut l'année où Bahá’u’lláh fut envoyé en exil avec sa famille et ses compagnons. Quand il arriva à Baghdád le 8 avril 1853, il trouva la communauté des réfugiés bábís dans la plus grande confusion et la plus grande misère. Son demi-frère Mírzá Yaḥyá Núrí, que le Báb avec désigné comme "chef" des bábís dans son testament (Lawḥ-i-Vasaya), avait réussi à fuir la sanglante répression des bábís à Tákur et à atteindre Baghdád, où il vivait caché sous le nom de Ḥájí 'Alíy-i-lás Furúsh. Comme le décret d'exil signé par le roi de Perse Náṣiri’d-Dín Sháh Qájár ne le concernait pas, Bahá'u'lláh le pria de retourner en Perse pour y faire connaître le message du Báb et servir la Foi. Mais il n'en fit rien et, sous l'influence de Siyyid Muḥammad-i-Iṣfáhání, il commença à jalouser la renommée de Bahá'u'lláh, qui ne faisait que croître parmi la communauté après la révélation de "l'épître de Toutes Nourritures" (Lawḥ-i-Kullu'ṭ Ṭa'ám).
Le 10 avril 1854, Bahá'u'lláh se retira dans les montagnes du Kurdistan près de Sulaymáníyyih pour vivre en ermite loin des querelles partisanes. Il ne revint que deux années plus tard à la emande des bábís, 19 mars 1856, pour reprendre la direction de la communauté agonisante.
Après dix ans d’exil à Baghdád, la renommée et l’influence de Bahá’u’lláh s’étaient considérablement accrues, au point d’alarmer ses ennemis qui prièrent le gouvernement ottoman de l’exiler encore plus loin. En réponse à cette requête, le grand vizir `Alí Páshá (1815-1871) et le Ministre des Affaires étrangères Fu'ád Páshá (1815-1869), qui dirigeaient conjointement l’Empire ottoman, envoyèrent à Bahá’u’lláh la ferme invitation de se rendre à Constantinople. C'est juste au moment de partir, fin avril 1863 dans les jardins de Riḍván, que Bahá’u’lláh déclara à son entourage qu'il était "Celui que Dieu rendra manifeste" annoncé par le Báb.
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Muḥammad Sháh Qájár
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Áqá Ján Big
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`Alí Páshá
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Fu'ád Páshá
Naissance de la Foi bahá’íe[modifier]
Schisme entre bahá’ís et azalis[modifier]
Après le martyre du Báb en 1850, plusieurs babís déclarèrent être "Celui que Dieu rendra manifeste" annoncé par le Báb, mais aucun ne réussit à convaincre la communauté babíe de la justesse de ses prétentions et quelques uns se rétractèrent par la suite.

Bahá'u'lláh reçut la révélation qu'il était cette personne lors d'une expérience mystique qu'il vécut fin 1852 dans le cachot sousterrain du Síyáh-Chál, mais il ne l'annonça à son entourage qu'en 1863 au moment de partir pour son exil à Constatinople. Cette annonce fut acceptée par beaucoup de babis, qui gardaient en mémoire les avertissements du Báb au sujet des années "neuf" (1852) et "dix-neuf" (1863) après la naissance de la dispensation babie. Mais certains refusèrent en estimant qu'elle était bien trop précoce par rapports aux valeurs numériques des termes Ghiyáth (1511) kaj Mustagháth (2001) donnés également par le Báb.
Au cours de la seconde année de l'exil à Andrinople, Mírzá Yaḥyá se rebella contre l'autorité de Bahá’u’lláh, intrigua auprès des autorités turques, complota contre lui et essaya plusieurs fois de le tuer, en particulier en l'empoisonnant. Il s'en suivit finalement un schisme entre "bahá'ís", partisans de Bahá’u’lláh et "azalis" soutenant Ṣubḥ-i-Azal. Ce qu'on appelle la "Plus Grande Séparation" devint officielle en septembre 1867, et peu de temps après Bahá’u’lláh révéla son "Merveilleux Livre Nouveau" (Kitáb-i-Badí`) pour réfuter les arguments de ses opposants désignés comme la "Peuple du Bayán" (Ahl-i-Bayán) et surtout de Siyyid Muḥammad-i-Iṣfahání.
Ce conflit, parfois sanglant et meurtrier, indisposa la Sublime Porte ottomane qui décida en 1868 de les exiler séparément à Saint-Jean-d'Acre (Israël) et à Famagouste (Chypre). Bahá’u’lláh s'éteignit à Saint-Jean-d'Acre le 29 mai 1892 et la religion indépendante (la Foi bahá’íe) qu'il a fondé à partir du babisme s'est répandue et s'est organisée à travers le monde. Ṣubḥ-i-Azal s'éteignit à Famagouste le 29 avril 1912 et sa communauté périclita au cours du XX° siècle, en ayant cependant joué un certain rôle dans la promulgation de la constitution perse de 1905. Il ne reste actuellement que quelques milliers de babís sans véritable organisation, principalement en Iran et en Ouzbékistan.
Rang du Báb dans la Foi bahá’íe[modifier]
Les bahá'ís furent accusés par les azalis de renier le message du Báb et d'abaisser son rang. Bahá’u’lláh indique pourtant que le Báb est une "Manifestation de Dieu" douée d'immuabilité, semblable aux autres grands fondateurs de religion comme Moïse, Jésus ou Muḥammad, et que la durée extraordinairement courte de sa mission est "un mystère tel qu'aucun esprit de peut la sonder[3]. Shoghi Effendi (1897-1957), le "Gardien de la Cause de Dieu" (Valí Amr'ulláh) explique qu'il est le héraut annoncé dans les écrits saints du passé :
Lui, le "Qá'im" (Celui qui s'élève) promis aux shí'ahs, le "Mihdí" (Celui qui est guidé) attendu par les Sunnís, le "Retour de Saint Jean Baptiste" espéré par les Chrétiens, le "Úshídar-Máh" auquel les écritures zoroastriennes font allusion, le "Retour d'Elie" escompté par les Juifs, dont la Révélation devait présenter "les signes et les preuves de tous les Prophètes", qui devait "manifester la perfection de Moïse, le rayonnement de Jésus et la patience de Job", Celui-là avait paru et proclamé sa Cause, puis Il était mort glorieusement après d'impitoyables persécutions. Le "Second Malheur" dont il est parlé dans l'Apocalypse de Saint Jean l'Évangéliste était enfin arrivé, et la premier des deux "Messagers", dont l'apparition est annoncée dans le Qur'án, avait été envoyé sur Terre. La première "Sonnerie de Trompette" destinée à frapper la terre d'extermination, comme l'annonce ce dernier Livre, avait enfin retenti[4].
Bibliographie[modifier]
- "Sélections des écrits du Báb", compilé par le département de la recherche de la Maison Universelle de Justice et édité par la Maison d’édition baha’ie (Bruxelles, 1984, 1ère édition), D/1547/1984/1
- "La Chronique de Nabíl" (Dawn-Breakers), écrit en persan à la fin du XIXème siècle par Muḥammad-i-Zarandí Nabíl-i-A’ẓam, traduit du persan en anglais par Shoghi Effendi, traduit de l'anglais en français par M.E.B. et édité par la Maison d'éditions baha'ies (Bruxelles 1986), D/1547/1986/6
- "Dieu passe près de nous" (God passes by), écrit par Shoghi Effendi, publié par L’ASN des baha’is de France (Paris 1970)